Homélie dimanche 8 Décembre 2024. 2° Avent C. Evangile Luc 3, 1-6
Mes amis, ils sont tous là, et confortablement installés sur leurs trônes : Tibère et Pilate, Hérode, Philippe et Lysanias, Anne et Caïphe… toutes les autorités politiques et religieuses qui gouvernent, d’une main de fer, ce petit coin d’empire perdu autour de Jérusalem. Mais vous l’avez entendu : ce n’est à aucun de ces puissants que la parole de Dieu a été adressée. C’est dans le désert, loin des buzz médiatiques et des lumières de la ville, qu’elle a saisi un homme : Jean, le fils de Zacharie.
Que lui a-t-elle dit ? Et bien nous ne le savons pas ! Nous voyons seulement qu’elle l’a poussé à quitter sa retraite et à parcourir la région du Jourdain pour proclamer quelque chose d’absolument nouveau : un baptême de conversion pour le pardon des péchés. Peut-être les mots de conversion et de pénitence ont-ils disparu de votre vocabulaire, alors écoutez ce que ce baptême signifiait aux yeux des foules qui affluaient vers Jean pour le recevoir. Ce baptême d’eau ? littéralement : une nouvelle naissance ! Il était le signe qu’un nouveau départ dans la vie était possible. Le temps était proche en effet où Dieu allait sortir de son silence. Il allait enfin intervenir dans l’histoire et pardonner les péchés de son peuple. La prédication de Jean donnait ainsi une actualité incroyable à cette vieille parole du prophète Isaïe : « Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route ! » Mais là où Isaïe avait en tête le retour des exilés à Jérusalem, Luc nous annonce que des choses plus grandes sont sur le point d’arriver : avec cet Autre mystérieux qui s’avance, c’est « tout homme » – oui, tout homme ! – qui désormais « verra le salut de Dieu ».
Mes amis, si nous voulons maintenant que ce chemin soit tracé dans nos vies, si nous voulons également qu’il soit tracé au milieu de ce monde, alors il nous faut prendre au sérieux l’appel à la conversion que nous lance Jean ce matin. Bien sûr, les soucis du quotidien, la peur, le découragement et tant d’autres obstacles viennent parfois brouiller l’horizon vers lequel nous marchons. Il reste en nous beaucoup de fossés, de chemins creux, de passages tortueux. Il y a ces collines et ces montagnes sur lesquelles nous rêvons d’être. Il y a, les doutes de la nuit et ces matins sans courage. Mais qu’à cela ne tienne, c’est précisément là que Dieu nous rejoint. Au point où nous en sommes de notre marche. Sa Parole nous appelle à vivre ce temps de l’Avent comme celui des commencements, des recommencements. Car sûr, le Seigneur ne sera pas en retard pour tenir sa Promesse de nous entraîner vers la vie quels que soient les déserts, le froid et la nuit qui parfois nous entourent.
« Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. » Jean le baptiste est tourné vers Celui qui vient, Jésus, la Parole qui ouvre un avenir. Il faut donc nous laisser travailler par cette Parole, mettre à profit la Parole de Dieu chaque jour de notre existence au nom même de l’urgence de l’amour. Car voyez-vous, si la voix de Jean nous rejoint ce matin c’est qu’il y a urgence à ouvrir des passages dans notre monde aujourd’hui qui crève de désespoir, qui ne sait plus où il va, qui est revenu de tout, c’est parce que les barrages sont levés, le monde n’est plus prisonnier, l’espoir n’est plus au mitard, l’horizon n’est plus muré, tout homme verra le Salut de Dieu. Et s’il faut ouvrir des chemins, c’est qu’il faut des pionniers, des découvreurs de l’inconnu, des traceurs de sentiers, des audacieux de la marche à l’étoile, des franchisseurs d’obstacles, des déblayeurs d’avenir, des perceurs de tunnels… car de fait nous avons reçu bien plus que le baptême d’eau de Jean, nous avons été plongés dans le souffle saint de Dieu qui veut toujours ouvrir un avenir dans l’horizon des hommes.
Mais voilà, sommes-nous si certains de vivre pleinement la grâce de notre baptême ? Peut-être est-il bon de nous rappeler ce qu’elle est : à savoir que nous ne sommes pas encore pleinement ajustés à l’amour de Dieu, que l’espace de notre cœur est encore trop étroit pour l’accueillir et accueillir nos frères et sœurs en humanité. Une reconnaissance qui implique le désir et la volonté effective de changer. Alors, laissons-nous travailler par Dieu qui nous inspire tout à la fois le désir de la conversion et la force de l’accomplir. Sachons présenter au feu purificateur de l’Esprit les collines de notre orgueil, les ravins de nos désespérances, les routes déformées de nos faux semblants, pour retrouver l’espérance de Dieu. Oui, n’hésitons pas à nous interroger sur nos habitudes et la valeur de nos désirs, afin de « discerner » toujours mieux « ce qui est plus important ». Et dans ce domaine, il n’y a pas de petits progrès. Ne négligeons donc pas les victoires cachées derrière ces petites choses qui sont de notre ressort, ces sursauts de volonté qui expriment mieux que tout discours notre décision de remettre notre vie en ordre. Au fond, quels sont les ravins à combler, les montagnes à abaisser, les passages tortueux à redresser pour que la simplicité de Dieu et sa miséricorde puissent transformer nos manières de vivre et, à travers elles, nos environnements et nos relations ?
Depuis hier, vous le savez, ND de Paris sauvée des flammes a rouvert ses portes aux fidèles et au public. Après plus de 5 ans d’absence et le terrible incendie qui serra nos cœurs, le monument le plus célèbre de France, avec ses voûtes éclairées d’une lumière nouvelle, nous raconte nos histoires personnelles et notre destin collectif. L’exploit de sa reconstruction est comme une métaphore que l’horizon n’est plus muré, que même si la voie est étroite, il y a toujours une issue possible. Et puis quelques jours avant Noël, le Pape ouvrira à Rome le Jubilé de l’espérance pendant lequel il invite les chrétiens à une contemplation plus vive de ce mystère, afin qu’ils en deviennent partout où ils vivent les signes visibles et efficaces. Et bien au lendemain du stricte spectacle de notre théâtre politique et du champ de ruines de nos institutions, ND de Paris et cette année sainte nous aideront-elles à concrétiser les sursauts de volonté auxquels l’Évangile d’aujourd’hui nous appelle ?
Rien en tout cas ne se fera sans l’engagement bienveillant de chacun, alors en avant ! Y a-t-il d’ailleurs mot d’ordre plus beau pour accompagner notre marche vers Noël ? De tout cœur, accueillons-le, et sans plus attendre… vivons-le ! Amen.
Références bibliques : Ba 5, 1-9 ; Ps. 125 ; Ph 1, 4-6 ; 8-11 ; Lc 3, 1-6
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