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Homélie du dimanche 2 Mars 2025


D2 mars 2025 – S. Bonaventure

Si 27, 4-7 ; 1 Co 15, 54-58 ; Lc 6, 39-45

 

Bien que nous ayons affaire à des paraboles, images qui ont en principe pour perspective d’aider les auditeurs de Jésus à comprendre ce qu’il a à dire, celles qui nous sont présentées aujourd’hui ne sont sans doute pas les plus simples à comprendre. Au milieu des trois paraboles que nous donne la liturgie de ce dimanche, liturgie qui nous prépare au Carême qui commence mercredi prochain, il y a une incise qui est particulièrement importante, car elle peut être considérée comme la clé de lecture des paraboles : « Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais une fois bien formé, chacun sera comme son maître ». Il nous faut donc trouver un bon maître. Toujours très mordant, saint Bernard, dans une de ses lettres, osait écrire un jour à un de ses correspondants : « Celui qui est à soi-même son propre maître se fait le disciple d’un sot ». Se choisir comme son propre maître est donc particulièrement dangereux. Nous sommes invités à choisir Jésus comme notre maître par excellence. Pour être comme Lui, il nous faut être bien formés, nous laisser former par Lui. Les paraboles nous donnent trois domaines dans lesquels nous devons nous former.


 Tout d’abord, ne pas être aveugle, car un aveugle ne peut pas conduire un autre aveugle. Cela signifie qu’il nous faut accepter d’être éclairés. L’Évangile, la vie de Jésus, sont par excellence les éléments qui nous éclairent, qui nous aident à discerner le bon chemin à prendre dans les différents moments de notre vie sans cependant décider à notre place. C’est la grandeur de l’Evangile. L’Écriture est notre livre de vie, le code de la conduite humaine et spirituelle. Le discernement nous aide à ne pas agir simplement sous le coup de l’impulsion, du désir premier, mais à prendre le temps de réfléchir, pour ne jamais nous engager à la légère dans telle ou telle action. Le discernement nous aide aussi à prendre de la distance avec l’impulsion première pour ne jamais nous précipiter et pour savoir faire la distinction entre le bien et le mal. C’est ainsi que nous faisons la vérité.


 La deuxième parabole est sûrement la plus évidente. Elle invite à la lucidité. Elle fait référence à une attitude particulièrement répandue et que Jésus veut dénoncer. Notre ami Molière l’a bien repris dans une phrase célèbre du malade imaginaire : ‘Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage’. Il est toujours très facile de trouver le mal en l’autre, de juger autrui à l’aune de sa propre mesure, regardant principalement les autres de manière négative, s’attachant à ce qui nous semble mal chez eux. C’est d’abord le refus de se regarder soi-même, de reconnaître avec lucidité le mal, les défauts qui font partie de notre nature et de notre pratique. Comme le dit Jésus, c’est le fait de se faire le juge des autres, de se considérer comme le point de repère de la bonne pratique, finalement c’est un peu l’attitude que le serpent propose à l’homme et la femme au début du livre de la Genèse : ‘Vous serez comme de des dieux, connaissant le bien et le mal’ (3, 5), comme si nous pouvions décider par nous-mêmes ce qui est bien et ce qui est mal pour nous comme pour les autres. Nous entrerions alors dans la loi de la jungle, où chacun déterminerait ce qui est bien en fonction de ses désirs propres, sans aucun respect de l’autre. C’est le contraire de la bienveillance et du premier sentiment qui apparaît dans la Bible, au début du livre de la Genèse : l’émerveillement de l’homme devant la femme ; s’émerveiller, c’est reconnaître ce qui, dans la différence des personnes, est richesse, qualités, talents en l’autre. Un tel regard fait vivre dans la paix et dans la fraternité, ne cherchant pas à être comme l’autre, mais acceptant que les différences soient une richesse relationnelle. Juger autrui, vouloir avoir ce qu’ont les autres, tel est le

début de la violence qui émaille les relations entre les personnes et entre les peuples. Nous le voyons sur toute la planète aujourd’hui encore. La source de cette attitude se trouve dans le cœur de chacun de nous. Jésus nous demande d’éradiquer cette tendance pour considérer tous ceux qui nous entourent comme des frères et des sœurs à aimer, à respecter, à valoriser. Telle est l’exigence primordiale, se regarder soi-même non pas pour se juger, car cela appartient à Dieu, mais pour reconnaître ce que l’on est et ce que l’on fait. Il me semble que le prisme de lecture de tout cela doit se faire avec quatre mots : savoir se regarder sans illusion, ni sans amertume, avec lucidité et tendresse. Si nous le faisons pour nous, nous arriverons alors à le faire aussi pour les autres.


Enfin, la troisième parabole nous indique comment porter du fruit, comment faire en sorte que notre vie puisse être fructueuse. La source se trouve dans la pureté du cœur, dans la pureté d’intention. C’est le combat spirituel que nous avons sans cesse à mener pour accepter que notre conscience, qui est véritablement l’image de Dieu en nous, nous éclaire sur les choix quotidiens, sur les comportements moraux qui feront que notre vie donnera du fruit, c’est-à-dire qu’elle nous épanouira et qu’elle contribuera aussi à l’épanouissement de nos frères en humanité. Aiguiser notre conscience est un enjeu majeur pour nous : cela nous prédispose à reconnaître la place de Dieu dans nos vies et à accueillir sa Parole comme notre guide véritable, car Dieu ne veut rien d’autre que de nous conduire au bonheur. Accepter d’entendre sa conscience consiste à ne pas vouloir jouer avec le péché, et à vouloir entrer dans la voie de la conversion. Entendre sa conscience, c’est condamner le péché sans condamner le pécheur. Supprimer la voix de sa conscience, c’est aliéner ce qu’il y a de plus grand et de plus beau dans notre humanité personnelle. Le plus noble repentir, la plus belle conduite : s’abandonner sans condition à Dieu qui nous parle d’abord par la voix de notre conscience.


Finalement, à quelques jours du début du Carême, ces trois paraboles nous proposent la première chose à faire dans notre existence : apprendre à se connaître non pas pour se juger, mais pour s’aimer tel que l’on est et transformer ce qui demande encore à l’être ; c’est aussi une invitation à faire grandir en soi l’être intérieur, à ne pas en rester simplement à la surface de sa vie. L’intériorité de la conscience personnelle est la clé qui donne accès au sentiment de la présence de Dieu. Cela permet aussi d’accepter les épreuves, qui sont une école de paix et la transfiguration du visage du Christ en nous. Cela n’est possible qu’avec la présence et le concours du Seigneur. Oui, comme disait Jésus, « Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais une fois bien formé, chacun sera comme son maître ». Alors, prenons Jésus comme maître pour débusquer le mal qui nous habite, pour nous transformer peu à peu, avec patience, car on ne fait pas pousser une plante en lui tirant dessus. On ne fera alors que la détruire.


Seigneur Jésus, dans nos journées, nous sommes souvent loin de toi, oubliant que tu es présent près de nous, en nous non pas pour décider à notre place, mais pour nous donner les lumières qui nous aideront à discerner les comportements qui nous ferons grandir qui nous rendront heureux et qui affermiront les relations avec ceux qui nous entourent. Donne-nous le courage de bannir les jugements sur nos frères, en nous émerveillant de ce qu’ils sont et de la richesse qu’ils peuvent représenter pour la vie fraternelle. Donne-nous de persévérer dans notre transformation intérieure, sans nous lamenter des inévitables retours en arrière. Que ton Esprit Saint nous accompagne dans notre marche dans la voie de la sainteté !

 
 
 

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